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Zemmour en Arménie ? Contre la récupération de la cause arménienne par les fascistes

On connaît Éric Zemmour pour sa réhabilitation des figures fascistes françaises, son racisme, son sexisme et sa lecture révisionniste de l’Occupation allemande ou de la colonisation française. Aujourd’hui, avec ses amis comme Philippe de Villiers, notre néo fachiste a décidé de s’approprier les malheurs de l’Arménie, soit la dernière guerre enclenchée par l’Azerbaïdjan contre l’Artsakh (Haut- Karabakh) et qui se prolonge aujourd’hui malgré un cessez le feu

Il part quatre jours en Arménie et ne manquera pas de se présenter comme seul soutien de ce pays agressé, et au retour d’éreinter ses rivaux en politique pour leur oubli de cette petit peuple courageux assiégé par l’ennemi turc islamiste – l’Azebaïdjan étant avant tout, de fait, un satellite de la Turquie. La ficelle est grosse : pour lui, la guerre en Arménie constitue l’avant poste de la guerre mondiale menée par l’islam contre la chrétienté. Azéris massacreurs là-bas, salafistes auteurs de prières de rue ou d’actes terroristes ici (puisque pour lui , l’islamisme c’est l’islam), sont deux aspects de ce même « choc des civilisations » imaginaire que l’extreme droite dénonce avec Samuel Huntington depuis les années 2000, et plus précisément cette guerre civile que notre ancien chroniqueur sur CNews annonce aujourd’hui de ces voeux.

Mais tout ceci est complètement faux. L’offensive azérie contre l’Arménie n’est pas un aspect de l’islamisme contemporain, elle est la continuation du panturquisme, une idéologie au nom de laquelle le gouvernement Jeune Turc a commis en 1915 le premier génocide du 20eme siècle, après de massifs pogroms dix ans plus tôt, et qui continue d’inspirer les gouvernements turcs et azéris : selon cette idéologie mortifère, les Arméniens doivent disparaitre d’un territoire d’après eux propre à la race turque – même si, par ailleurs la présence arménienne sur ces terres devance en réalité de loin la présence turque…L’islam était relativement anecdotique dans ces événements, de même d’ailleurs que l’extermination des Juifs et des Tziganes par les nazis n’avait rien d’une guerre de religion. Pour preuve : L’EXONÉRATION DES JEUENS TURCS instigateurs DU GÉNOCIDE de 1915 et condamnés en 1920 par une Cour de justice internationale fUT D’AILLEURS LE FAIT DE MUSTAFA KEMAL dit ATATURK, PÈRE D’UEN NATION TURQUE bien plus LAIQUE QUE TOUTES SES VOISINES.

Repeindre le panturquisme aux couleurs de l’islamisme permet de s’approprier la défense du peuple arménien comme l’emblème de la résistance à l’islam et même, selon le nom du parti de Zemmour, de la « reconquête ». Le vocabulaire est limpide : il s’agit ni plus ni moins d’une croisade, à mener ici, et qui se prolonge là-bas, en des terres qui furent longtemps, historiquement, parcourues par les croisés.

Nous, Arméniens dénonçons cette honteuse tentative de récupération par l’extrême droite la plus répugnante, d’un conflit qui est pour nous une longue et constante douleur, écho du traumatisme originel que la Turquie nous infligea avec le génocide.

Elle nous dégoûte d’autant plus qu‘en s’appropriant la cause arménienne, Zemmour lui appose label de « cause d’extreme droite » qui rend certains progressistes et gens de gauche simples d’esprit incapables de voir que la défense des Arméniens est, là-bas comme ici, la défense des opprimés contre un pouvoir qui a décidé de leur vie, de leur emplacement et de leur mort (on rappelle que les capacités économiques et surtout militaires de la l’Azerbaïdjan émanation de la Turquie, sont sans aucune commune mesure avec celle de l’Arménie).

Enfin, cette récupération est d’autant plus honteuse qu’elle s’appuie sur le désespoir d’Arméniens que l’Occident souvent délaisse pour des raisons de realpolitik assez claires – la position géostratégique de la Turquie d’Erdogan, son poids économique, le gaz, l’OTAN, etc. – , et qui, ignorants de qui sont vraiment leurs soutiens autoproclamés, accueillent généreusement ces pseudo-défenseurs de leur cause.

Tout cela créé une dynamique circulaire simple à comprendre : récupération de la cause arménienne par les fachistes – éloignement des démocrates à cause de ce label – sentiment d’abandon des Arméniens prêts à accueillir maintenant tout soutien d’où qu’il vienne – récupération encore plus prononcée… Il importe de casser cette circularité vicieuse et délétère.

On doit donc s’opposer avec force à l’appropriation, par Zemmour et ses sbires de la cause arménienne – hier définie par la lutte pour la reconnaissance du génocide et aujourd’hui par la résistance à l’invasion azérie au Haut-Karabagh – ; marquer combien la plupart des arméniens sont écoeurés par ce soi-disant soutien ; et, pour tous les partis de gauche et, au delà, tous les démocrates qui savent quel danger représente Zemmour, embrasser immédiatement le soutien à l’Arménie, afin de montrer que Zemmour et ses amis n’en ont pas le monopole, et que, là-bas comme ici, il s’agit de défendre la justice et les opprimés, et non d’écraser les musulmans pour affirmer une supposée domination chrétienne.

Signataires du texte :

  • Philippe Huneman, philosophe ;
  • Marie Sonnette-Manouguian, sociologue ;
  • Claude Mutafian, historien ;
  • Pierre Tevanian, philosophe ;
  • Ani Tsovinar Vanetsyan, membre du collectif d’auteur.e.s Djaragayt – socialiste, autonome, internationaliste ;
  • Simon Abkarian, comédien ;
  • Ariane Ascaride, comédienne ;
  • Clémentine Autain, députée La France insoumise ;
  • Serge Avedikian, comédien ;
  • Frédéric Bodin, cosecrétaire national de l’Union syndicale Solidaires ;
  • Jérôme Bonnard, cosecrétaire national de l’Union syndicale Solidaires ;
  • Said Bouamama, sociologue ;
  • Sylvain Bourmeau, journaliste ;
  • Christophe Bouton, philosophe ;
  • Sylvain Charlat, biologiste ;
  • Morgan Charveys, membre du bureau national Solidaires-Affaires étrangères ;
  • Charjoum, collectif ;
  • Renaud Cornand, sociologue ;
  • Sergio Coronado, militant écologiste, ancien député Europe Ecologie-les Verts ;
  • Sonia Damlamian, président de l’association E-citoyens ;
  • Cybèle David, cosecrétaire nationale de l’Union syndicale Solidaires ;
  • Yves Dermenjian, mathématicien ;
  • Patrick Donabédian, historien ;
  • Denis Forest, philosophe ;
  • Elodie Gavrilof, doctorante histoire, EHESS ;
  • Alexis Govciyan, conseiller de Paris La République en Marche et ancien président du Conseil de Coordination des Organisations arméniennes de France ;
  • Robert Guédiguian, réalisateur ;
  • Philippe Jarne, écologue ;
  • Razmig Keucheyan, sociologue ;
  • Raymond Kévorkian, historien ;
  • Max Kistler, philosophe ;
  • Alexandre Koroglu, président fondateur de l’association humanitaire franco-kurde Soleil rouge France/RojaSor, fondateur de l’association culturelle des Alevis de l’Aube ;
  • Noël Mamère, ancien député-maire, Europe Ecologie-les Verts ;
  • Sylvie Manouguian, responsable associative et culturelle ;
  • Claire Mouradian, historienne ;
  • Antonine Nicoglou, philosophe ;
  • Pierre Ouzoulias, sénateur, Parti communiste français ;
  • Etiennette Perrotin, professeure agrégée d’allemand au lycée français d’Erevan ;
  • Véronique Poulain, cosecrétaire nationale de l’Union syndicale Solidaires ;
  • Dominique Pradelle, philosophe ;
  • Thomas Pradeu, philosophe ;
  • Pierre Pradinas, metteur en scène ;
  • Arnaud Saint-Martin, conseiller municipal et communautaire La France insoumise à Melun (Seine-et-Marne) ;
  • Pinar Selek, sociologue ;
  • Michel Veuille, chercheur ;
  • Charles Wolfe, philosophe ;
  • Naïri Zadourian, avocate pénaliste.